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Note de veille : Sanction AMF du 24 septembre 2020

La Commission des sanctions de l’AMF sanctionne une société de gestion et son président pour des manquements à leurs obligations professionnelles.

  • Sanctions pécuniaires de, respectivement, 10 000 et 100 000 euros à l’encontre de la société de gestion et de son président
  • Une interdiction temporaire d’exercer la profession de gérant ou de dirigeant d’une société de gestion pendant une durée de cinq ans
  • Un blâme à destination de la société de gestion : retrait d’agrément
  • Publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à 5 ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Griefs :

  • Absence de procédures opérationnelles et suffisantes pour encadrer le dispositif d’investissement ;
  • Absence de prise en compte de l’intérêt d’un FIP dans le processus d’investissement d’une société cible (Lalilo) ;
  • Atteinte à l’intérêt des porteurs de parts lors de la réalisation d’avances en compte courant et de virements au profit de la société « 6s Cosmétiques » + Absence de gestion efficace d’un conflit d’intérêts de criticité élevée ;
  • Insuffisance des diligences réalisées par la société de gestion en vue de la distribution des liquidités disponibles lors de la liquidation de ses FIP ;
  • Défaillance du dispositif de conformité ;
  • Manque de diligence à l’égard de l’AMF.

L’ensemble des griefs retenus à l’encontre de la société sont imputables à son dirigent.

 

Grief 1 :

Il est fait grief à la société de gestion, dont le schéma d’investissement prévoyait la réunion de trois comités avant tout investissement, de ne pas avoir fourni à sa responsable de la conformité́ et du contrôle interne, pour plus de 40 % des investissements réalisés entre janvier 2015 et septembre 2017, d’élément attestant de la réunion de ces comités, empêchant ainsi de retracer les fondements des décisions d’investissement et, plus particulièrement, le processus de décision visant à apprécier la pertinence de l’investissement au regard de l’intérêt des porteurs.

Il est en outre reproché à la société de gestion le manque de précisions de son document intitulé « Procédure liée à l’activité́ d’investissement » quant au processus à suivre, ce qui ne permettait pas de s’assurer que la sélection des investissements était effectuée dans des conditions propres à justifier des diligences réalisées en vue de servir l’intérêt des porteurs.

Environ 42 % des opérations d’investissement concernées par la période contrôlée, ont été déclarées non conformes par la RCCI en raison de l’absence de pièces justificatives telles que des procès-verbaux de réunions, permettant de s’assurer de la réunion effective des comités susmentionnés.

La société de gestion n’a pas pu prouver que le comité d’investissement était systématiquement réuni. De plus le président a reconnu le caractère très informel des réunions de ces comités, lesquels pouvaient selon lui se limiter à de simples échanges de courriels.

NB : ce contrôle permet de rappeler que pour satisfaire aux exigences règlementaires, il appartient à la société de gestion mise en cause de produire, non seulement la procédure écrite, ainsi que toute justification utile de nature à attester que cette procédure a été effectivement mise en œuvre.

La procédure doit en d’autres termes être le miroir parfait entre l’activité opérationnelle et ce qui est rédigé dans les documents suivants : programme d’activité, règlements des fonds et procédures opérationnelles.

Rappels règlementaires :

  • Article 313-1 du RGAMF, devenu l’article 321-30 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018 ;
  • Article 314-3-1, 6° et 8 du RGAMF, devenu l’article 321-101, 6° et 8 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018.

 

 

Grief 2 :

Il est fait grief à la société de gestion d’avoir procédé, en janvier 2017, pour le compte d’un FIP qu’elle gérait, à un investissement dans la société Lalilo, sans veiller à effectuer cet investissement dans l’intérêt des porteurs de ce FIP.

En effet, à la lecture des différents échanges de mail sur ce sujet, il en ressort que l’engagement d’investissement dans la société cible a été pris sans que le comité d’investissement de la société de gestion ne se soit réunit et ne l’ait préalablement approuvé (validé par un directeur d’investissement), ce que d’ailleurs la société de gestion reconnait elle-même dans ses observations.

Par ailleurs, d’une manière générale le dossier ne comporte pas de trace d’une quelconque analyse de l’intérêt que cet investissement pouvait représenter pour les porteurs du FIP.

Il a été relevé que cet investissement était à l’initiative d’un directeur de participation.

Dans un souci de régularisation du dossier, la société de gestion a apporté au contrôle deux documents :

  • Un PV de comité d’investissement succinct ne faisant état ni des critères habituellement utilisés selon la société de gestion pour analyser les qualités intrinsèques d’un projet, ni des hésitations évoquées par la société́ de gestion dans ses observations quant à l’abandon possible de ce projet ;
  • Un extrait d’une analyse non signée et non datée du président effectuée au moment de l’investissement qui ne précise toutefois pas l’intervention du FIP dans cet investissement.

Toutefois aucun de ces documents ne permet de démontrer que la société de gestion aurait régularisé cet investissement après s’être assurée qu’il était dans l’intérêt des porteurs de parts du FIP. Au contraire des observations de la société́ de gestion, la décision d’investissement a été guidée, au moins en partie, par sa volonté́ de « respecter la parole donnée » par son directeur d’investissement.

Rappels règlementaires :

  • Article 313-1 du RGAMF, devenu l’article 321-30 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018 ;
  • Article 314-3-1, 6° du RGAMF, devenu l’article 321-101, 6° et 8 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018.

 

 

Grief 3 :

Il est fait grief à la société de gestion d’avoir procédé, au profit de la société commerciale « 6s Cosmétiques », d’une part entre janvier 2016 et novembre 2017 à des avances en compte courant pour un montant total de 350 000 euros pour le compte de FCPI ou FIP qu’elle gérait et, d’autre part au cours de l’année 2017 à trois virements pour un montant de total de 75 000 euros depuis le compte de la société « Greenvest » qu’elle dirigeait et qui était détenue à 100% par des fonds gérés par la société de gestion, et ce alors que son président, également président-directeur général de la société commerciale « 6s Cosmétiques », avait connaissance du risque très élevé de non-recouvrement de ces avances et virements du fait des difficultés financières rencontrées par la société commerciale « 6s Cosmétiques ».

Malgré une alerte provenant de la RCCI de la société de gestion sur la viabilité de ses avances en compte courant prenant compte de la situation financière très délicate (connu par la société de gestion) dans laquelle se trouvait la société commerciale « 6s Cosmétiques » et des informations que la société de gestion disposait sur le risque très élevé de non recouvrement des sommes engagées, aucun autre élément n’établit que la société de gestion a procédé à une véritable analyse de l’intérêt de ces versements pour la préservation des participations existantes des fonds concernés dans « 6s Cosmétiques ».

Deux alertes de la RCCI, classées en criticité élevée dans le registre de conflit d’intérêts, sur la présidence respective dans la société de gestion et la société commerciale « 6s Cosmétiques », sont restées sans décision utile.

Au regard du niveau de criticité identifié du conflit d’intérêts et de l’existence d’une alerte de la RCCI, les mesures prises par la société de gestion, telles qu’identifiées dans ce registre, consistant en une demande d’informations et en une demande de note, au demeurant non suivies d’effet, ne semblent pas être suffisantes et ne permettent pas d’affirmer que la société de gestion a agit avec le soin nécessaire pour servir les intérêts de ses clients.

Par ailleurs la situation ne permet pas de conclure que la société de gestion ait géré la situation de conflit d’intérêts dans laquelle elle se trouvait (cumul des mandats de son président avec la société « 6s Cosmétiques »).

Rappel règlementaire :

  • Article 313-18 du RGAMF, devenu l’article 321-46 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018 ;
  • Article 314-3 du RGAMF, devenu l’article 321-100 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018 ;
  • Article 314-21 du RGAMF, devenu l’article 321-49 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018.

 

 

Grief 4 :

Il est fait grief à la société de gestion ne pas avoir procédé à la distribution des liquidités issues des opérations de désinvestissement réalisées pour le compte de deux fonds qu’elle gérait, au fur et à mesure de ces opérations de désinvestissement et ainsi de ne pas avoir agi avec la diligence, le soin, la compétence et le professionnalisme qui s’imposent pour servir au mieux l’intérêt des porteurs.

Malgré que la règlementation n’énumère pas précisément l’ensemble des comportements contraires ou non aux exigences qu’elle prévoit, le fait de ne pas distribuer aux porteurs de parts concernés le produit des opérations de désinvestissement des fonds en liquidation dès la réalisation de ces opérations, ne peut être considéré comme un comportement conforme à l’intérêt de ces porteurs.

La responsabilité de ces non distributions n’est pas exclusivement imputable au dépositaire, la société de gestion n’ayant pas réalisé le nécessaire pour obtenir ces distributions, en temps et en heure :

Les désinvestissements ont eu lieu entre le 30 juin et le 31 décembre 2017, alors que les démarches de distributions auprès du dépositaire ont commencé le 8 janvier 2019.

Par ailleurs, le seul document produit par la société de gestion pour justifier ses actions à l’AMF est un échange de courriels duquel il ressort que son président a écrit le 4 juin 2019 au dépositaire pour l’informer de la transmission de l’ensemble des documents qui lui avaient été demandés et solliciter la fixation rapide d’une date de distribution des fonds.

Dans ces conditions, en ne procédant pas, au fur et à mesure des opérations de désinvestissement, à la distribution des liquidités issues de ces opérations, la société de gestion n’a pas agit d’une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, afin de servir au mieux l’intérêt des clients.

Rappel règlementaire :

  • Article 314-3 du RGAMF, devenu l’article 321-100 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018 ;
  • Au surplus, l’AMF a publié, le 8 août 2012, soit avant l’époque des faits, une position-recommandation n°2012-11 intitulée « Guide relatif aux OPCVM de capital investissement », dans laquelle est indiqué : « La liquidation est un ensemble d’opérations confiées à un liquidateur visant à réaliser les actifs qui composent le portefeuille et à rembourser les porteurs de parts du fonds. […] / En principe c’est la société de gestion du fonds qui exerce ces fonctions. […] / Plusieurs types d’opérations sont réalisés pour liquider le portefeuille du fonds : / […] 2) au fur et à mesure de la réalisation de ces opérations, [le liquidateur] effectue des distributions aux porteurs de parts en les ayant informés au préalable des modalités de la liquidation et des distributions […] ».

 

 

Grief 5 :

Il est fait grief à la société de gestion, d’une part, de n’avoir désigné aucun responsable de la conformité entre septembre 2017 et avril 2018 en remplacement de la RCCI, absente en raison d’un congé personnel au cours de cette période, ce qui a empêché que le contrôle des activités de la société de gestion soit réalisé de manière permanente, et d’autre part, de ne pas avoir identifié le caractère inapproprié et non opérationnel des procédures en vigueur, en particulier celles encadrant le processus d’investissement, et à tout le moins de n’avoir initié aucune action afin de remédier à ce caractère inapproprié et non opérationnel.

  • Concernant la permanence de la fonction de RCCI, la société de gestion a annoncé à l’AMF avoir reporté la responsabilité de la fonction à son président, sans pouvoir prouver que des contrôles ont été mis en place pendant cette période. La société de gestion a donc manqué à son obligation de maintenir sa fonction de conformité opérationnelle, de designer un responsable de la conformité et de disposer d’une fonction permanente et efficace.
  • Concernant le caractère inapproprié et non opérationnel de la procédure d’investissement (Cf. Grief 1), il est reproché à la société de gestion de ne pas avoir remédié à ce constat.

Rappel règlementaire :

  • Article 313-2 du RGAMF, devenu l’article 321-31 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018 ;
  • Article 313-3 du RGAMF, devenu l’article 321-32 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018 ;
  • Article 313-6 du RGAMF, devenu l’article 321-35 du RGAMF depuis le 3 janvier 2018.

 

 

Grief 6 :

Il est fait grief à la société de gestion d’avoir, en répondant dans des délais excessivement longs aux demandes des contrôleurs, parfois après six relances, ou en ne communiquant pas certains documents demandés, manqué à l’obligation des personnes contrôlées d’apporter leur concours avec diligence et loyauté.

Au regard des éléments, le nombre de demandes restées sans réponse ou incomplètes était manifestement excessif par rapport au nombre total de demandes, en particulier dans la mesure où plusieurs de ces demandes portaient sur des documents censés exister et où la société de gestion n’a pas respecté certains délais qu’elle avait elle-même annoncés.

NB : La société de gestion ne justifie pas qu’elle était, comme elle a pu le prétendre, dans l’« impossibilité » de transmettre certains documents demandés par les contrôleurs. Quant à la situation de sous-effectif dont elle s’est prévalue, il ne s’agit pas d’une cause exonératoire des obligations de diligence et de loyauté qui s’imposaient à elle.

Rappel règlementaire :

  • Article 141-3, alinéa 3 du RGAMF.

 

 

Grief non caractérisé : Informations et traitement des réclamations

Il est fait grief à la société de gestion de ne pas avoir mis en place une procédure efficace et transparente en vue du traitement raisonnable et rapide des réclamations :

  • En n’acceptant que les réclamations adressées par lettre recommandée avec accusé de réception alors que l’article 313-8 du règlement général de l’AMF prévoit la gratuité du mode de transmission ;
  • En ne mettant en œuvre aucune mesure afin d’informer les clients ayant adressé leur réclamation par courriel, téléphone ou courrier simple que seules les réclamations adressées par LRAR étaient susceptibles d’être traitées
  • En ne déployant pas de dispositif permettant de s’assurer qu’une réponse était apportée aux clients et que leurs réclamations étaient traitées.

NB : l’ensemble des griefs listés ci-dessus et détaillés ci-dessous n’ont pas été caractérisés par l’AMF. Il est toutefois intéressant de développer les points réglementaires importants sur ce sujet.

Traitement des griefs par l’AMF :

  • Grief sur la gratuité de la réclamation : il a été commenté par l’AMF que la procédure de la société de gestion prévoyait que « L’accès au dispositif de traitement des réclamations étant gratuit, aucune tarification spécifique ne peut être mise à la charge du client au titre du traitement de sa réclamation ».

Réglementairement parlant, il n’est pas interdit de déterminer un moyen de transmission précis et payant (LRAR). Toutefois il est interdit de facturer aux clients le traitement de la réclamation.

En restreignant la recevabilité des réclamations des clients aux seules réclamations envoyées par LRAR, la société de gestion n’a pas méconnu les dispositions réglementaires

  • Grief sur l’information aux clients : depuis 2015 il est précisé sur le site internet de la société de gestion que « Toute réclamation peut être transmise gratuitement à la Société de Gestion à l’adresse suivante, par lettre recommandée avec accusé de réception […] »

Réglementairement parlant, la communication par site internet des informations portant sur le traitement des réclamations est bien considéré comme gratuit.

En publiant gratuitement l’information sur le traitement des réclamations par le biais de son site internet, la société de gestion n’a pas méconnu les dispositions réglementaires.

  • Grief sur le dispositif de réponse : Au regard de la taille de la société de gestion (taille limitée) et du dispositif de traitement des réclamations mis en place. (Sur les 19 réclamations reçues par la société de gestion entre le 5 janvier 2016 et le 11 décembre 2017 dans son registre des réclamations, la colonne de ce registre intitulée « Prise en compte de la demande » précise pour 13 réclamations l’existence d’une réponse apportée au client, avec indication de la date de la réponse et de son mode de transmission, ainsi que dans certains cas l’auteur ou le signataire, et pour six réclamations, essentiellement les plus récentes, la transmission de la réclamation au président, et dans certains cas la date de cette transmission). L’AMF juge suffisantes les actions menées.

Réglementairement parlant, la société de gestion doit enregistrer chaque réclamation et indiquer les mesures prises en vue du traitement. Cependant la réglementation ne précise pas avec quel degré de détail doit s’effectuer cet enregistrement et en particulier n’impose pas de reproduire dans le registre le contenu exact de la réponse apportée au client.

Le traitement et l’enregistrement des réclamations par la société de gestion n’est pas condamnable.

Rappel règlementaire :

  • Article 313-8 du RGAMF, devenu l’article 321-40 du RG
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